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Détails sur le produit
- Rang parmi les ventes : #212 dans Livres
- Publié le: 2017-05-18
- Langue d'origine:
Français - Dimensions: 5.87" h x
.63" l x
8.27" L,
- Reliure: Broché
- 228 pages
Commentaires clients
Commentaires clients les plus utiles
6 internautes sur 6 ont trouvé ce commentaire utile.
Par Borromini
Bon, au moins ça sera fait.Dans un temps qui force littéralement, le revolver sur la tempe, les âmes raffinées et exigeantes à la nostalgie d'époques intellectuellement plus denses (Elle vous excite vous, Nabilla Macron? Nous non plus), les dealers cultureux de toutes sortes s'en vont gratter la scène artistique de ces dernières décennies à la recherche de personnages furtivement aperçus dont ils chercheraient tant bien que mal à enfler au maximum l'oeuvre et la destinée pour essayer d'en faire des mythes "bigger than life" et refourguer le tout sous forme de livres, films, expos.Le faisceau lumineux du "c'était mieux avant" avait balayé l'écran des années 70 où était apparu à plusieurs reprises un jeune dandy qui semblait être de toutes les coteries branchées et fashion de l'époque.Renseignement pris, il s'agissait de Jacques de Bascher, jeune nobliau moustachu, beau comme le diable et presque aussi vicieux que lui, qui se distingua pour avoir fait tourner la tête des deux géants de la mode de l'époque, Karl Lagerfeld et Yves Saint Laurent.Jacques de Bascher donc.C'est à Marie Ottavi, journaliste à Libé, que l'on passe commande pour écrire la biographie. Dans un style suffisamment agréable en bouche pour qu'on le qualifie de "bon", elle fait ce qu'elle peut mais ne fait pas de miracle: elle n'a pour ainsi dire pas de sujet.A sa charge en effet de raconter l'un des premiers spécimens du "connu pour rien", certes d'une tout autre trempe que ceux d'aujourd'hui, mais quand même.Débarqué de la marine et de l'aviation, le jeune Jacques pose ses valises à Paris au début des années 70 et sait très bien le job qu'il veut faire: être lui, grandiosement, avec si possible l'aide et l'argent des autres.Il a de la chance, il arrive au bon moment. Les restaurants et clubs branchés de l'époque, où se côtoient le commun et l'exceptionnel, font office de bureaux de l'emploi. Sa belle gueule et sa grande érudition feront le reste. Cet homme qui aime les hommes vise le sommet, et ne rechigne pas à se mettre à l'horizontale si besoin est pour l'atteindre. De fil en aiguille, d'étreinte en étreinte, ce sera chose faite quand apparaît dans son viseur Karl Lagerfeld. Ca aurait pu en être un autre, ça sera Karl. "Tu vois cet homme? C'est un couturier suédois (sic).Ce sera le plus grand styliste des années à venir et ce sera aussi mon petit ami." (p.61).Le bellâtre chante la sérénade, sort ses belles-lettres et ses titres de noblesse (un peu traficotés). Gagné. L'iceberg allemand fond et Jacques peut alors faire un sérieux bond en avant sur le monopoly mondain. Les ors du Kaiser mis à sa disposition, il peut commencer à danser son boléro: chaque jour doit être plus élégant et plus extravagant que le précédent.Le Tout-Paris croise le jeune courtisan de plus en plus souvent dans ses soirées, et se raconte à voix basse ses moeurs dissolues (drogue, dépenses immodérées et amants en pagaille) que Lagerfeld choisit de ne pas voir.Jacques prend de l'assurance, se pavane et envoie les ardoises à Karl. Mais il veut bientôt agrandir son terrain de jeu et tend le même piège une deuxième fois à un génie que l'on dit fragile: Yves Saint Laurent. Nouveau succès, dévastateur: Saint Laurent tombe passionnément amoureux de lui et se fait mener par le bout du nez au mépris de tout le reste. Pour la première fois, l'édifice tremble et Pierre Bergé qui n'a pas l'intention de laisser la maison de couture (d'abord) et son couturier vedette (ensuite) s'effondrer, va violemment siffler la fin de la récréation.L'épisode fissure le microcosme parisien et fait pâlir l'étoile de Jacques, de plus en plus assimilé à un gigolo. Ses coucheries sont toujours plus trash. Sa vie scandaleuse exhibée avec toujours plus d'arrogance. Le navire commence imperceptiblement à prendre l'eau.En 1978, Jacques n'a que 27 ans et s'il ne le sait pas encore, ses heures de branchitude sont comptées. Voici que la foule des nouveaux gens "in", encore plus jeunes et plus beaux que lui, le bouscule pour se ruer dans la toute dernière boîte à la mode, le Palace. Ces gamins ne veulent pas de Proust, ils veulent de la disco. Les affectations dandyesques de Jacques commencent à paraître ridicules.Le coup de grace tombe en 1983. La mode, seul véritable amour de Karl, lui fait le cadeau de sa vie en lui offrant la direction artistique de Chanel. Le mignon, certes toujours entretenu, passe clairement au second plan et n'est plus condamné qu'à faire tapisserie.Les grandiloquences passéistes n'ont pas leur place dans l'agenda fric et choc des années 80 rutilantes.Jacques se fatigue encore à jouer son personnage. Dans l'ombre de sa chambre, ce sont descentes tout schuss de Chivas, plans drague sans couleurs sur minitel rose et vaines tentatives de se faire croire qu'il est encore temps de.Le film devient longuet, il faut qu'il se termine.Dernier coup de pied de l'âne, lui le bel enfant du siècle (mais pas du bon) se fait définitivement couper le contact par une maladie ultra-moderne, le sida.Le 3 septembre 1989, le bip dessine finalement une ligne droite sur le moniteur de l'hôpital. Ses proches le pleurent mais ils seront les seuls. Aujourd'hui a déjà oublié et il est probable que le joli cul de Claudia Crawford n'en sut jamais rien.Rideau. Sic transit et cetera. Splendeurs et misères du Narcisse seventies, de l'Oblomov giscardien, du Monsieur de Charlus cocaïné, du jeune guépard disco-viscontien, de la néo demi-mondaine, de la petite Cléopâtre pédoque que se disputaient César/Karl et Marc Antoine/Saint Laurent.Le triste destin de Jacques de Bascher, s'il porte à l'attendrissement, est de ceux qui sonnent comme une mise en garde. Vie passée à prétendre et à déployer jour après jour une illusion, avant tout pour lui-même. Vie passée à vérifier qu'il est toujours le plus beau et le plus chic en ce miroir en essayant jusqu'à bout de forces de figer le temps et les choses.Et de prendre le temps de se réaliser, jamais.Pour participer nous aussi modestement à la construction du mythe, nous dirons que la vie de Jacques de Bascher fut ... euh... le naufrage le plus élégant de l'histoire de l'humanité après celui du Titanic.
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